Appel à participation
Céline en voyage(s)
Argumentaire
« Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force… Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie. »
Pour autant, les voyages de Céline n’ont pas été qu’imaginaires, loin de là. Le jeune Destouches voyage en Afrique, au Togo, au Cameroun, au Sierra-Leone, en Guinée… et écrit des lettres amusantes à une amie d’enfance, Simone Saintu : y découvre-t-on la même gaîté que celle de l’homme mûr ? On y voit en tous cas un jeune homme avide de lectures – il lit Kipling, Bergson, de Saint-Pierre… – avide de contacts intellectuels, plus pacifiste que jamais et s’essayant déjà à l’écriture de nouvelles. Dans quelle mesure l’Afrique qui se retrouve dans le Voyage au bout de la nuit aura-t-elle été décisive dans la formation littéraire du jeune aventurier ? Quel regard sur l’autre et l’ailleurs se forge-t-il à ce moment ? Quelques années plus tard, en 1925, il fait route pour les USA, dont on retrouve encore maintes traces dans le Voyage. Plus tard, en 1936, nouveau changement de cap : il rejoint Moscou en passant par la Finlande. Les dates du voyage sont très incertaines, il n’y restera que quelques semaines et nous ne possédons que deux témoignages dans sa correspondance : est-ce que les œuvres politiques qui suivent son retour, Mea Culpa et Bagatelles pour un massacre où d’ailleurs l’auteur fait référence au Cameroun (Bikobimbo) peuvent être vues comme des réceptacles d’une expérience de voyage ? Afrique, USA, Russie, voilà bien trois espaces géographiquement et culturellement opposés qui subiront la même transfiguration littéraire et romanesque, l’hyperbolisation ironique, la critique dégradante virulente. N’y aurait-il donc aucun lieu sur terre qui ait les faveurs de l’écrivain, hormis peut-être la Bretagne où il voulait se retirer et dont il a si peu parlé ?
A l’évidence, Céline le torturé ne saurait être touriste, non plus qu’écrivain-voyageur. Mais il a beaucoup voyagé, et ses voyages laissent une trace profonde dans son œuvre. Il voyage pour affaires, réformé à Londres d’abord, puis pour les charmes de la langue, de l’édition et des lupanars avec le déluré John Marks ; en Russie pour assurer l’édition de son Voyage, et peut-être constater de visu le communisme qu’on lui attribue ; aux USA ou à Cuba pour le compte de la Société des Nations…
Mais à côté de tous ses déplacements professionnels qui ont autant d’échos romanesques (on pense à Londres désormais), il fait aussi nombre de voyages amoureux. Céline se rend en Belgique, à Cannes ou en Bretagne pour Evelyne Pollet, à Anvers encore pour Jeanne Feys-Vuylstecke, il se rend avec Karen Marie Jensen au Danemark, et va skier en Autriche. Il voyage souvent pour retrouver ses maîtresses, la pianiste Lucienne Delforge, ou Cillie Ambor à Vienne ou à Berlin, et à Breslau pour retrouver Erika Irrgang. Il tentera même vaguement de retrouver la trace d’Elisabeth Craig aux USA…
Ce recueil d’études se propose d’aborder les voyages céliniens dans toutes leurs dimensions : les voyages professionnels de Céline ou ses voyages amoureux ; la relation de voyage à travers la Correspondance ; les joies et douleurs du voyage d’exil ; les thématiques liées au voyage (le mal du pays, la thématique maritime, la France vue de l’exil, les voyages intérieurs ou sensuels…) ; la place de Lucette ou de Bébert dans les voyages (Nord…) ; la relation de voyage et la formation de l’écrivain ; les voyages scandaleux (ou sexuels) de Céline ; sa perception de l’altérité ou de l’ailleurs, etc.
Retour des propositions de communication : 31 mai 2024
Retour des communications : mars 2025
Colloque 2023
Du 27 au 30 mai
Université York, Toronto, Ontario, Canada
Campus Keele et Glendon
Appel à propositions de communications
Atelier 10
Guerre et fiction
Responsables d’atelier :
Johanne Bénard, Université Queen’s, benardj@queensu.ca
Kathryne Fontaine, Collège militaire royal du Canada, kathryne.fontaine@rmc.ca
L’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a récemment remis la guerre au-devant de l’actualité, engendre une profusion de reportages, de témoignages, d’essais ou d’études historiques : ces modes non fictionnels de relation de la guerre relancent du même coup la question de la place du mode fictionnel dans le récit de guerre, qu’abordaient déjà Kate McLoughlin puis Laura Ashe et Ian Patterson dans leurs ouvrages de 2014. En effet, la quantité d’informations disponible sur le sujet n’empêche pas que l’on continue de rechercher dans l’art et dans la littérature une forme de parole propre à ces modes d’expression, comme en témoignent les initiatives des théâtres Prospero et Centaur de présenter des lectures théâtrales à partir de textes d’artistes ukrainien.e.s, ou encore l’intérêt médiatique renouvelé pour des figures de la littérature ukrainienne comme Andreï Kourkov. De même, au printemps de 2022, de façon tout à fait inattendue, la publication de l’inédit de Louis-Ferdinand Céline, Guerre (Paris, Gallimard), ramène le sujet de la Première Guerre mondiale dans l’actualité littéraire, et alimente la réflexion sur l’usage de la fiction dans le témoignage de guerre – réflexion qui est toujours liée, lorsqu’il est question de l’œuvre de cet écrivain, à des considérations éthiques. Notre proposition d’atelier est née des questionnements que suscitent ces événements tout autant que de la problématique plus générale du thème de la guerre qui, d’une part, continue de résister à la représentation, alors que, d’autre part, le brouillage des frontières entre la fiction et les sources d’informations qui marque les dernières décennies semble avoir déplacé les fonctions de la littérature. En effet, pour reprendre la formule de Robert Dion, nous nous intéressons tout particulièrement aux récits qui inventent, mais pour dire quelque chose de vrai.
Nous invitons des communications qui explorent les stratégies contemporaines de mise en fiction de la guerre à travers des modes d’interaction constamment renouvelés de la littérature avec le réel. Comment la littérature contribue-t-elle à écrire l’histoire des conflits armés ? Pourrait-elle révéler des dimensions éthiques de l’expérience de la guerre inaccessibles par des moyens non fictionnels ? Est-ce que les modes fictionnels de relation de la guerre pourraient nous aider à mieux saisir le rapport qu’on entretient, à l’époque actuelle, avec l’histoire et la mémoire ? En quoi, comme le demandent Marie-Hélène Boblet et Bernard Alazet, ces récits éprouvent-ils la valeur heuristique de la fiction ? Voici, à titre suggestif, quelques axes d’étude :
- L’axe de la transmission, soit ce que la guerre transmet comme expériences et laisse comme traces et comment la littérature contemporaine participe à ces transmissions.
- L’axe de la transgression, soit comment la transgression peut être un motif, un mode d’expression ou un moteur narratif dans les récits de guerre, pour s’opposer aux tabous et aux interdictions qui régissent l’écriture sur la guerre.
- L’axe de la transposition, soit la réécriture des grands récits ou des mythes fondateurs, parfois à travers le renversement des idées dominantes, et qui peut aussi se traduire dans les textes par l’emploi du symbole, par le recours à la synecdoque ou par la transposition de l’agentivité.
Les communications pourront porter sur un large corpus dont voici les paramètres :
- Nous acceptons les analyses de tous textes portant sur le thème de la guerre entendu au sens large, en incluant les guerres civiles, les actes de terrorisme, les guérillas et autres conflits armés.
- Les textes pourront être des récits, mais aussi des textes de théâtre, des poèmes ou des romans graphiques.
- En ce qui a trait au champ historique, nous privilégions les textes du XXIe siècle, mais nous n’excluons pas des textes du XXe siècle (auquel appartient le récit Guerre de Louis-Ferdinand Céline).
- Nous incluons toutes les littératures francophones.
Bibliographie sommaire
Ashe, Laura, et Ian Patterson, dir. War and Literature. Cambridge: D.S. Brewer, 2014.
Boblet, Marie-Hélène, et Bernard Alazet, dir. Écritures de la guerre aux XXe et XXIe siècles.
Dijon: Éditions universitaires de Dijon, 2010.
Dion, Robert. Des fictions sans fiction ou le partage du réel. Montréal: Presses de l’Université de
Montréal, 2018.
Fontaine, Kathryne. Poétique du récit de guerre contemporain La littérature comme laboratoire
d’éthique. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 2021.
McLoughlin, Kate. Authoring War: The Literary Representation of War from the Iliad to Iraq.
New York: Cambridge University Press, 2014.
- Date limite pour l’envoi des propositions (titre, résumé de 250-300 mots, adresse, affiliation et notice bio-bibliographique de 150 mots) à Johanne Bénard (benardj@queensu.ca) et Kathryne Fontaine (fontaine@rmc.ca) le 15 décembre 2022.
- Le colloque annuel 2023 de l’APFUCC sera en personne (à moins que la situation sanitaire ne le permette pas) avec, possiblement, quelques activités ou interventions en ligne (nous communiquerons à ce sujet plus tard). Il se tiendra dans le cadre du Congrès annuel de la Fédération des sciences humaines du Canada.
- Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message des personnes responsables de l’atelier avant le 15 janvier 2023 les informant de leur décision. L’adhésion à l’APFUCC est requise pour participer au colloque. Il faut également régler les frais de participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC. De plus amples informations vous seront envoyées à ce sujet. Vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication, présentée en français (la langue officielle de l’APFUCC), pour le colloque 2023.